Début 2006 - "Courir comme les autres"

Publié le par @mandin£ & Marlèn£

Victime d'une grave chute sur le Dauphiné Libéré, Maryan Hary a craint de ne plus jamais pouvoir remarcher. Grâce à son courage et au travail des chirurgiens, il peut aborder 2006 avec la perspective de reprendre sa place dans le peloton.

 

 

Maryan, on va revenir sur l'année 2005 et ta terrible chute sur le Dauphiné Libéré. Est-ce que tu peux nous raconter ce que tu as vécu ce jour-là ?

C'était la veille de l'arrivée finale. J'étais dans un groupe intercalé avec les costauds. J'avais décroché sur la fin de l'ascension du Col de la Colombière , j'avais préféré gérer mon effort et revenir dans la descente. Et finalement je ne suis jamais revenu. Il y a eu un enchaînement de virages dans la descente où je me suis un peu loupé. J'ai d'abord glissé dans un virage, je n'ai plus maîtrisé le vélo dans une courbe anodine et j'ai filé tout droit dans le mur de soubassement qui était sur la gauche. Après la cabriole, je me suis retrouvé avec cinq vertèbres fracturées et beaucoup d'incertitudes sur mon état et la suite à donner à ma carrière, et même le reste  

Tu t'es retrouvé à l'hôpital pour te faire poser un matériel que tu portes encore aujourd'hui... 

Voilà, j'ai encore tout le matériel qu'ils m'ont posé à Grenoble. D'ailleurs je tiens à souligner le travail qu'ils ont fait dans un premier temps au CHU de Grenoble, et par la suite à Bordeaux. C'est à Grenoble que je me suis fait poser ce matériel, sur deux opérations. Ils s'y sont pris à deux reprises, deux opérations assez lourdes de cinq heures et demi et six heures. Même à la suite de la deuxième opération, on était encore dans l'incertitude concernant même mes chances de remarcher.

As-tu eu peur ?

Oui, forcément on a peur quand les chirurgiens eux-mêmes ne se prononcent pas trop, qu'ils disent qu'ils ont fait ce qu'ils ont pu et qu'il faut attendre de voir. Ils nous ont fait comprendre à moi et à ma copine qu'il n'était pas du tout sûr que je remarche, car il y a beaucoup de terminaisons qui partent des vertèbres vers les jambes notamment. Comme c'était assez touché, ils ne pouvaient pas trop se prononcer vu que, dans un premier temps, j'avais de grosses insensibilités, tant dans la jambe droite que dans la jambe gauche. Il y a plusieurs parties au niveau des jambes que je ne pouvais pas bouger. C'est vrai que ça fait peur. Et petit à petit, quand on sent que ça commence à revenir, qu'il y a des contractions musculaires qui se font, ça rassure. C'est vrai que dans un premier temps on ne pense plus trop au vélo, on pense seulement à remarcher, à reprendre une vie normale.  

La rééducation s'est finalement bien passée puisque tu as pu reprendre plus rapidement que prévu ?

Oui, c'est vrai que j'ai fait une bonne rééducation à Capbreton. J'étais suivi de la meilleure des manières, j'ai fait quatre semaines là-bas avec des journées assez chargées. Mai au final, je suis sorti de là avec de très bonnes bases pour ma rééducation. Tout s'est bien enchaîné et c'est ce qui m'a permis de remonter aussi vite sur le vélo aujourd'hui.  

Est-ce que tu t'es cru un moment maudit pour le vélo, après ta mononucléose en 2004 et cette chute en 2005 ?

Oui, des fois on se dit "C'est pas possible, ça ne va pas me lâcher". Je me suis un peu dit ça. Au départ on passe par des moments psychologiques difficiles. On n'a pas envie de baisser les bras, mais il y a des hauts et des bas et au début il y a beaucoup de bas. Et plus ça va plus il y a des hauts et le moral revient assez rapidement quand même. On est quand même des compétiteurs dans l'âme. C'était un défi à relever et je ne voulais pas m'avouer vaincu avant d'avoir essayé au moins de revenir au vélo et de retrouver mon niveau.

Quand vas-tu pouvoir reprendre ?

 Les chirurgiens m'ont donné le feu vert pour reprendre dans un premier temps l'entraînement fin novembre. Donc je me suis empressé de remonter sur le vélo, évidemment ! Après, le feu vert est aussi valable pour la compétition. Il y a aussi des risques pour l'entraînement avec la circulation. On n'est jamais à l'abri d'une chute, donc la compétition est envisageable aussi dès que mon état de forme sera satisfaisant. Dès que je me sentirai prêt, je pourrai reprendre les courses, j'espère sur le GP Internacional au mois de février 

As-tu de l'appréhension quand tu es sur le vélo ?

Ça revient à la surface dans les descentes. On en a eu quelques unes pendant le stage, et puis le fait d'être en groupe... Je dois reprendre mes automatismes sur certaines choses, mais je pense que c'est un sentiment normal. Les automatismes reviendront avec la compétition. Dans un premier temps il faudra que je reprenne le contact du peloton et la rééducation de la compétition en fait.

Tu as quand même suivi la saison de Bouygues Telecom même si tu n'étais pas sur le vélo. Qu'en as-tu pensé ?

C'était une saison difficile par l'instauration du Pro Tour. Cela demande des charges de travail importantes. Jusqu'au mois de juin je m'en suis rendu compte, j'ai disputé pas mal d'épreuves du Pro Tour et c'est vrai que c'est un calendrier intense qui laisse peu de place à la récupération. Dans chacune des courses on est avec les meilleurs coureurs du monde, et il faut être toujours au top. Ce n'est pas évident. Après il y a eu des points positifs au niveau de l'équipe même si on peut dire que c'est une saison mitigée par rapport à ce qu'on aurait pu en attendre. L'équipe s'est est très bien sortie sur les Championnats de France et puis après il y a eu quelques coups d'éclat. Mais c'est vrai que c'était un peu mitigé et on est revanchard pour cette saison, on veut montrer ce qu'on vaut vraiment, et que 2005 n'était pas à l'image de l'équipe.

Pour toi, l'équipe Bouygues Telecom s'est-elle donné les moyens d'être plus ambitieuse cette année ?

C'est vrai que l'équipe et le partenaire s'en sont donné les moyens en recrutant déjà deux coureurs de plus dans l'effectif. Ce n'est pas un luxe, on a besoin de forces vives et on s'en est rendu compte en 2005 notamment avec ma blessure, le cas de Franck Bouyer... On s'est retrouvé avec un effectif encore plus réduit. Donc c'est vrai que le nombre est vraiment important pour enchaîner ces jours de course. 

Entames-tu cette saison avec d'autres ambitions que celle de recourir ?

En terme de résultats, non. C'est difficile de me fixer des objectifs, telle ou telle course. Je ne pense pas que ce soit vraiment réaliste. Dans un premier temps il faut que je retrouve le niveau de la compétition, mon niveau à moi. Je me fixe déjà plutôt la deuxième partie de saison, c'est à dire après le Tour de France, et j'aimerais bien avoir retrouvé un niveau plus que correct, proche de mon niveau, pour le mois d'août ou septembre, afin de participer aux courses, au calendrier normal et faire la course comme tout le monde.

Publié dans Interviews

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